Le Dygma Defy, mon premier clavier split
Je n’ai jamais réellement appris à taper au clavier. De fait, j’ai toujours eu de très mauvaises habitudes. Par exemple, utiliser le POUCE gauche pour la touche contrôle, essayez et vous remarquerez que vous devez tordre votre pouce OU tordre votre poignet.
Lors de journées intensives, je terminais parfois avec des douleurs à l’articulation du pouce (et quelques fois au poignet). J’ai alors passé un examen médical avec un électromyogramme pour vérifier si je n’avais pas un début de syndrome du canal carpien. Verdict : Mon canal va bien, mais une belle tendinite m’accompagne depuis un moment.
Pour le contexte technique, je venais juste de me mettre à EMacs (et les raccourcis à base de “ctrl” étaient justement ce qu’il fallait que j’évite).
J’ai alors pris des décisions radicales :
- Je m’équipe d’une attelle de maintien.
- J’achète une souris verticale.
- Je mets en pause EMacs, je bascule sur Gnome plutôt que Sway (ça, c’était dur…).
- Je fais de gros efforts pour utiliser mon petit droit pour cette satanée touche contrôle.
Avec ces résolutions, je passe de “douleurs régulières” à “douleurs occasionnelles” (et rares).
Ça va faire bientôt deux ans que je suis dans ce “setup”, et ça me suffit pour continuer mon travail dans des conditions correctes.
Mais je n’allais pas faire une page uniquement pour vous raconter ça, alors qu’est-ce qui a changé ?
Depuis presque 2 mois, j’ai rejoint Lucca, et durant un séminaire, j’ai rencontré deux collègues qui m’ont présenté leurs claviers : le MoonLander de ZSA et le Model 100 de Keyboardio (Louis et Aurélien, si vous passez ici : vous m’avez bien inspirés, merci ! ;) )
Les deux sont des claviers “splittés”, ils ne sont pas en un seul block mais bien en deux (un pour chaque main). J’essaie alors brièvement et c’est assez clair que les positions dorsales, des articulations radio-ulnaire (les avant-bras) et du poignet sont bien meilleures qu’avec un clavier traditionnel.
Je ne sais pas dans quoi je m’engage, mais je vais essayer de vous décrire au maximum mon ressenti.
Avec un clavier traditionnel, mes poignets sont plutôt proches (environ 10 cm d’écart). Pour supporter cette position, mon corps va logiquement faire avancer mes coudes et je vais avoir envie de courber mes épaules vers l’intérieur. Avec le clavier splitté, j’ai presque doublé la distance entre mes poignets et mes épaules restent en place.
En bref, je recherche une position se rapprochant de celle que nous adoptons naturellement une fois assis à une table. Pour ce faire, je suis les étapes suivantes :
- Laisser les bras pendre, sans exercer la moindre force,
- Relever uniquement les avant-bras,
- Rapprocher légèrement les poignets, d’environ 5 cm quant à la position initiale, en pliant les coudes
Voici donc la position que je devrais avoir en tapant au clavier, celle avec le moins de contraintes.
Pour les poignets, c’est pareil, je dois m’arranger pour ne jamais les plier : ni en hauteur, ni horizontalement.
D’ailleurs, on peut aussi parler d’angles pour les poignets. On écrit souvent avec les poignets à plat, mais ce n’est pas non-plus une position tolérable pour nos tendons. En effet, l’idéal est de se rapprocher de la position adoptée lorsque l’on serre la main d’une personne (s’en rapprocher, mais ne pas l’atteindre : on a quand même besoin de poser le poignet sur une surface).
Concrètement, je connaissais déjà les défauts de ma position. Mais faute d’avoir le matériel ET la motivation pour la changer : je faisais l’autruche et ignorais ces manquements.
De plus, j’ai un besoin particulier quant au clavier : pouvoir connecter en sans fil plusieurs appareils différents. Or, sur le marché des claviers ergonomiques, il n’a pas beaucoup d’alternatives au Logitech K860.
Je bookmark les claviers de mes deux collègues et je commence mes recherches.
Globalement, j’ai deux solutions :
- Faire mon propre clavier.
- Acheter un clavier déjà prêt.
Je suis les travaux de @BenjiLeGnard sur Xwitter (allez regarder son clavier, il a fait un excellent taff) et objectivement, ça me parait accessible.
Puis j’ai regardé mon backlog et la liste des projets en cours et je me suis dit que ce n’était vraiment pas une bonne idée de commencer à construire mon clavier.
Si ça vous intéresse, j’ai trouvé ce site pour générer un panier avec les composants nécessaires pour monter votre clavier en fonction de vos besoins (switch, keycaps, électronique …)
Je me rabats alors sur les claviers all-in-one et voici mes besoins :
- Un mode sans-fil qui peut connecter jusqu’à 3 appareils (de préférence avec des dongles),
- Un clavier minimum à 60%,
- The more these is leds, the more I like it,
- Pouvoir modifier l’angle pour une transition douce vers le 45°,
- Des macros seraient un +.
Après quelques recherches, je tombe sur le Dygma Defy qui semble totalement convenir à mes besoins. Pour être franc, la partie Wireless a été la plus compliquée à trouver.
Ma compagne me dégote alors un Defy avec toutes les options (qui sait, c’est peut-être le dernier clavier que j’aurais avant un moment) pour mon anniversaire.
- J’ai le “tenting” (réglage de l’inclinaison),
- Les leds SOUS le clavier (très pratique pour communiquer la couche sur laquelle je me trouve),
- Et bien évidemment, le sans-fil.
Clavier orthogonal
Un truc que vous avez surement constaté avec le Defy, c’est que les touches sont toutes alignées comme des quartiers résidentiels en Amérique du Nord.
D’ailleurs, vous savez d’où vient cette disposition ? C’est encore un héritage des machines à écrire (comme pour nos layouts azerty/qwerty).
Selon cet article, ce n’est absolument pas optimisé (et même si j’ai du mal à m’en rendre compte, ça ne m’étonne pas vraiment).
Pour l’anecdote, on possède tous un clavier orthogonal… dans notre poche 😉 !
En effet, comme on ne tape pas de la même manière sur un téléphone que sur un clavier d’ordinateur, on peut se permettre d’avoir une disposition différente (ça rentre mieux sur un petit écran en plus).
Fonctionnement du Dygma
Je vais partir du principe que personne ne sait comment fonctionne un clavier 60% et expliquer le fonctionnement des couches. Le principe est qu’une touche/combinaison va me permettre d’accéder à de nouvelles touches qui ne sont pas présentes sur mon clavier.
Par exemple, si je veux faire un F4, je n’ai pas cette ligne sur mon clavier. Pour faire mon F4, j’appuie donc sur une touche spéciale qui me donne accès à de nouvelles touches : la touche 4 devient F4 tant que j’ai cette touche enfoncée.
Bien sûr, plutôt que de la garder enfoncée, je peux switcher dans ce mode jusqu’à que je rappuie dessus.
Dès lors, comment le Dygma communique quelle couche est active ?
Avec :
- Le RGB des touches ;
- Le RGB du dessous du clavier.
Les LEDs sous le clavier sont assez pratiques, car visibles dans la vision périphérique. Je sais donc instantanément dans quelle configuration je me trouve.
Pour modifier ces touches, je peux utiliser Bazecor (logiciel open-source développé par Dygma pour ses produits). Je peux alors personnaliser l’effet de chaque touche et les LEDs de celle-ci.
Je peux également créer mon propre layout en modifiant l’effet de la touche “a” en “q”, ou encore paramétrer les touches du pouce comme je le souhaite. Ces informations sont stockées dans la mémoire du clavier, et non sur votre machine.
Les macros
Je dispose par ailleurs de macros : via une touche (ou une combinaison) je peux lancer une séquence d’action directement depuis le clavier.
Pour vous citer quelques exemples, j’ai une couche tmux pour :
- Naviguer de terminal en terminal via deux touches.
- Mettre un terminal en plein écran.
- Tuer un terminal.
Ça reste simple, mais choisir l’emplacement de ces touches est très pratique à l’usage. Et comme toujours, c’est stocké dans le clavier et non sur votre machine donc vous pouvez les réutiliser sur n’importe quelle machine.
Les superkeys
Les superkeys sont des touches qui ont plusieurs fonctions selon la façon dont elles sont pressées, soit :
- Pression simple
- Presser et tenir
- Pression simple et puis presser et maintenir
- Double pression
- Double pression puis presser et maintenir
C’est une fonctionnalité que je n’utilise pas beaucoup pour le moment (et encore en beta), cela fonctionne bien sur certains OS mais pas sur d’autres (comme MacOS).
Le sans-fil
Le sans-fil (qui est une option), peut se faire de deux façons : Bluetooth qui permet l’appairage de trois appareils et dongle en 2.4Ghz.
Personnellement, j’utilise majoritairement le dongle en 2.4Ghz. Notamment parce que je veux utiliser mon clavier durant le déchiffrement de mes partitions LUKS, et que l’OS n’étant pas démarré, je ne peux pas me connecter en Bluetooth.
Niveau batterie, et sans regarder les spécifications du constructeur, je pense tenir au moins deux journées de travail (donc environ 17h) (sachant que j’ai quand même diminué légèrement la luminosité des LEDs sous le clavier).
Petit point négatif : le dongle est assez gros et est un peu encombrant. J’aurais préféré un dongle plus petit et discret. La raison de cette taille est probablement parce que le dongle est également un “hub” d’USB-C pour connecter les deux parties du clavier.
Pour activer le mode sans-fil, il suffit juste de débrancher les claviers et d’activer un interrupteur sur le clavier.
Ma progression
Sur mon clavier traditionnel (un Logitech MX Key plus), je tape approximativement à 100 mots par minute sans réfléchir (donnée basée sur le test 10fastfingers en français).
Au premier jour d’essai du Dygma, c’était assez complexe à prendre en main et je suis tombé à ~30 mots par minute (ce qui n’est pas si horrible, mais il y a quand même un bel écart).
Pour ceux qui veulent essayer le clavier splitté : vous devrez évidemment avoir une période d’adaptation.
- Le premier jour, j’ai donc obtenu un résultat de 30 mots par minutes.
- Le deuxième jour après une journée de travail (sans trop me soucier de la façon dont j’écris), j’arrive à obtenir un score de 55 mots par minute.
- Quant au quatrième jour, je frôle les 70 !
Enfin, à l’heure où j’écris ces lignes, j’arrive (après quelques lignes d’échauffement) à dépasser les 70 de manière constante. Je progresse toutefois plus lentement.
Mon ressenti
C’est une sensation assez désagréable de devoir réapprendre à taper au clavier, mais qui se transforme assez rapidement en satisfaction. Notamment le fait d’avoir plusieurs touches au pouce qui, avouons-le, est bien pratique.
Je suis très satisfait du Defy, la finition de la “coque” en aluminium est parfaite, les reposes-poignet en cuirs tiennent bien (ils ne sont pas fixés mais se positionnent automatiquement via un système d’aimants).
Après une bonne semaine sur un clavier split, j’ai du mal à m’imaginer rebasculer sur un modèle traditionnel et je pense que c’est le début d’une relation à long-terme entre lui et moi.
La cerise sur le gâteau : le Dygma est livré avec une sacoche pour le transporter sans l’abimer avec les câbles nécessaires.
S’il faut lui trouver un défaut : l’azerty n’est pas disponible à l’achat du clavier sur la page de customisation.
Dès lors, si vous voulez quand même avoir les keycaps français, il vous faudra les acheter séparément (disponible sur la boutique de Dygma) ou acheter un Dygma sans customisation. Ne voulant pas payer un supplément juste pour ça, j’ai opté pour un qwerty.
Je vais voir si je n’ai pas moyen de le tweaker pour le rendre vraiment unique (que ça soit en impression 3D, ou via des keycaps customisés).
Concrètement, ma prochaine grosse résolution dans l’ergonomie serait le passage à un layout plus optimisé comme le bépo ou le dvorak… à suivre 😉
En plus, le chat apprécie beaucoup de pouvoir se mettre entre mes claviers.
J’espère que je vous aurais motivé à envisager le passage vers un clavier split. Ou, au mieux, réfléchir à comment améliorer vos positions et conditions de travail, ce n’est jamais trop tard pour se soucier de sa santé.
De mon côté, je vais continuer à m’habituer à ce nouveau clavier et j’ambitionne de pouvoir de nouveau rejoindre l’incroyable monde du Tiling (Sway, j’arrive !!).